30/06/2025 10:51
Pesticides: la décriée loi Duplomb soumise à des tractations décisives au Parlement

Une vue du dôme du Palais du Luxembourg, le siège du Sénat, à Paris, le 1er octobre 2020
La proposition de loi des sénateurs Duplomb et Menonville sur l'agriculture, décriée par la gauche pour ses mesures sur les pesticides ou les réserves d'eau, passe lundi au filtre d'une réunion de parlementaires qui s'annonce agitée mais décisive pour le cheminement législatif du texte.
Le sort du texte qui vise à "lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur" est entre les mains de sept députés et sept sénateurs, lors d'une commission mixte paritaire (CMP) prévue à 14H30 au Sénat.
Ce petit comité, très majoritairement favorable au texte, tentera d'élaborer un compromis sur la proposition de loi d'origine sénatoriale.
Portée par Laurent Duplomb (Les Républicains) et Franck Menonville (UDI, centre), l'initiative a été largement approuvée au Sénat, qui penche à droite. Mais à l'Assemblée nationale, les partisans du texte l'ont rejetée d'emblée pour éviter l'examen des milliers d'amendements des Insoumis et des écologistes, invoquant une "obstruction".
Pour le bloc central, la manœuvre présente un avantage: le débat sera tranché à huis clos, dans les couloirs feutrés du Sénat et non dans l'hémicycle agité du Palais Bourbon, privé de majorité.
- Acétamipride -
Mais elle comporte aussi son lot d'incertitudes, car elle redonne la main aux sénateurs, dont la vision sur certaines mesures irrite plusieurs membres du camp présidentiel. Or en l'absence de texte voté à l'Assemblée nationale, les débats de la CMP repartent de la version du Sénat...

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Son volet environnemental inquiète. Sa disposition phare: la réintroduction, certes encadrée et à titre dérogatoire, de l'acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes interdit en France depuis 2018.
Ses effets chez l'humain sont source de préoccupations, même si les risques restent incertains, par manque d'études d'ampleur.
Autorisé ailleurs en Europe, il est notamment réclamé par les producteurs de betteraves ou de noisettes, qui estiment n'avoir aucune alternative contre les ravageurs. A contrario, les apiculteurs mettent en garde contre "un tueur d'abeilles".
Autres mesures qui divisent, l'augmentation de l'influence du gouvernement dans le travail de l'agence sanitaire Anses sur les autorisations de pesticides, le relèvement des seuils d'autorisation environnementale pour les élevages intensifs, ou encore la facilitation du stockage de l'eau pour l'irrigation des cultures.
Les opposants dénoncent d'importants reculs environnementaux: une dizaine de milliers de militants, élus, scientifiques et paysans, ont participé ce week-end à des rassemblements dans plusieurs villes de France pour dénoncer le texte. La Confédération paysanne, troisième syndicat agricole, y est notamment opposée.
Une mobilisation est annoncée lundi à la mi-journée devant le Sénat, à l'appel du collectif Nourrir qui s'indigne d'une loi "au service de l'agro-industrie".
Le bloc central, qui soutient le gouvernement, "ne veut pas que ce débat se tienne sur la place publique et préfère le huis clos d'une CMP, mais nous ne laisserons pas cette loi gravissime passer sans que chacun prenne ses responsabilités", s'insurge la députée Insoumise Manon Meunier.
- "Rien de révolutionnaire" -
Le gouvernement "souhaite que ce texte soit adopté parce que c'est un texte d'équilibre. La réintroduction de l'acétamipride, ce n'est pas la réintroduction des pesticides", a souligné la ministre de l'Agriculture Annie Genevard, lundi matin sur TF1.
"Son rétablissement ne peut se faire que sous de très strictes conditions pour des filières qui aujourd'hui sont en impasse de traitement, mais qui demain, je l'espère, trouveront une solution en biocontrôle ou en en traitement alternatif", a-t-elle ensuite commenté lors d'un déplacement dans une ferme bio des Yvelines.
"Pour moi, ce n'est pas une bonne décision", a en revanche déclaré la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, sur Sud Radio lundi, soulignant cependant que "le texte tel qu'il est présenté a mis des verrous à cette réintroduction", et impose des "conditions très encadrées".
"Ca fait plusieurs années que nous avons commencé à développer et à investir dans des alternatives. Je trouve contre productif (...) de réautoriser cette molécule comme si elle était anodine, ce qui n'est pas le cas", a-t-elle ajouté.

Les néonicotinoïdes, des insecticides toxiques (aussi) pour l'environnement
La FNSEA, syndicat agricole leader, pousse elle pour qu'une version permissive de la réforme sorte de la CMP.
Au-delà de l'impératif de réunir au moins huit voix pour sur 14 en CMP, les élus doivent aussi s'assurer que le texte pourra être adopté lors d'un ultime vote dans les deux chambres, le 2 juillet au Sénat puis le 8 à l'Assemblée nationale.
"C'est notre double objectif", assure à l'AFP Franck Menonville. "Notre texte n'a rien de révolutionnaire. Il ne fait que rendre possible ce qui l'est dans l'ensemble des pays européens".
Selon plusieurs sources parlementaires, le volet sur l'acétamipride, auquel les sénateurs tiennent beaucoup, devrait bien être maintenu. En échange, le Sénat pourrait consentir à reculer sur les mesures concernant les compétences de l'Anses, un chiffon rouge notamment pour le MoDem.
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